Fashion écossaise au XVIe siècle

En juin 1538, après une épuisante traversée depuis le port maritime du Have, la jeune Marie de Lorraine arrive sur la côte écossaise. Comment lui apparaissent ces premiers Écossaises et Écossais qui l’accueillent à Crail-sur-Fife, et plus tard dans les rues de la ville de Saint-Andrews, à elle, la princesse française qui a vécu à la cour de France, haut lieu de la mode ? La noblesse écossaise, habituée aux voyages fréquentes sur le Continent, connait bien cette French fashion, déjà très appréciée par leur précédent roi, Jacques IV Stuart. Elle porte sans doute une mode à la française, qui était récemment mise à jour par le voyage de Jacques V en France en 1536-37 et l’arrivée en Écosse de sa première femme, la princesse royale Madeleine de Valois.

Aucun document iconographique de l’habit porté en Écosse pendant le règne de Jacques V et de Marie de Lorraine existe. Vingt-cinq ans plus tard seulement, en 1562, le Français François Deserps publie son Recueil de la diversité des habits qui sont de présent en usage. Quatre images sont consacrées aux habitants d’Écosse: deux concernent les Lowlands (les habitants de la plaine) et deux les Highlanders (les habitants des montagnes écossaises). Voici le look des habitants des Lowlands :

F. Deserps, L'Ecossois. © BnF, Paris

F. Deserps, L’Ecossois © BnF, Paris

F. Deserps, L'Ecossoyse. © BnF, Paris

F. Deserps, L’Ecossoyse © BnF, Paris

Contrairement à l’idée reçue, l’homme écossais ne porte pas de kilt, mais une tunique courte à manches très larges. Il a un pantalon ample, probablement en laine, qui présente les rayures caractéristiques des étoffes écossaises. L’homme barbu est armé d’une lance ou d’un bâton, d’une dague, d’une épée longue porté nue (sans fourreau), et d’un petit bouclier rond. François Deserps, avec un certain dédain, fait remarquer dans la légende de l’image qu’il « n’est pas trop mondain ni curieux ». Les choses sont plus compliquées pour le couvre-chef de l’Écossais, qui semble assez fantaisiste. Il apparaît aussi que les pieds de l’Écossais soient nus. Est-probable?

Dans une source anglaise contemporaine au livre de Deserps, plusieurs éléments visibles sur ces gravures se retrouvent, notamment les pieds nus des hommes écossais. Il s’agit des Chroniques de Raphael Holinshed, publiés pour la première fois en 1577. Les textes de la Description of Scotland qu’elles contiennent, ont été rédigés par l’anglais Francis Thynne (1545?-1608). Les Chroniques mentionnent les pieds nus, ou alors protégés par du cuir trempé dans l’eau afin de mieux épouser la forme du pied, les « hosen » (du mot germanique « huson« ) qui sont des courtes braies en lin ou laine, les haut-de-chausses en chanvre et finalement les manteaux en laine grossière :

They went also bare footed, or if they had any shone, they dipped them first in ye water ere they did put thẽ on, especially in Winter when sharpest weather shewed it self, to the end that ye soles of their feete (which were wel hardned in Sommer with heate and in winter with cold, might be more strong and able to susteyne great labour and dayly trauaile. Their apparell was not made for brauery & põpe, but as should seeme best to couer their bodies & serue their appointed vses, their hosen were shaped alſo of linnen or wollen, whiche neuer came higher than their knees, their breches were for the most part of hẽpe [hemp], clokes also they had for winter made of course wooll, but in the sommer time they ware of the finest that coulde be gotten.

Comme sa contrepartie masculine, l’Écossaise, nous affirme Deserps dans sa légende, est dépeint « au naturel conforme« . Elle porte un jupon ou une chemise rayée, puis au-dessus une robe ample, sombre et corsetée qui ressemble à un modèle français. L’Écossaise relève sa robe fièrement pour en exposer la riche doublure de fourrure. Dans la main gauche, elle porte un petit panier. Un long et très large vêtement de couleur claire ressemblant à un voile couvre son torse jusqu’en dessous des hanches. Sa coiffe est invisible, mais sous la couverture dépasse une curieuse forme allongée qui ressemble à une casquette. Peut-être s’agit-il du « boun-grace » que l’Anglais Sir William Brereton (vers 1487-1536) décrivit lors de son passage à Édimbourg :

Some ancient women and citizens wear satin straight-bodied gowns, short little cloaks with great capes, and a broad boun-grace (a shade in front of the bonnet to protect from the sun) coming over their brows, and going out with a corner behind their heads; and this boun-grace is, as it were, lined with a white stracht [straight?] cambric [cambrésine ou lin du Cambrai] suitable unto it. »

Apparemment plus civilisée que l’homme, l’Écossaise porte des souliers bas avec talon.

Lors de ses voyages à travers le Nord de son royaume dans les années 1540, Marie de Lorraine a rencontré les Highlanders, les sauvages, « de peaux vestue encontre la froidure « , comme dit Deserps, et « qui souuent font nuisance aux Anglois ».

F. Deserps, Le sauuage d'Escosse. © BnF, Paris

F. Deserps, Le sauuage d’Escosse. © BnF, Paris

F. Deserps, Le capitaine sauuage. © Bnf, Paris

F. Deserps, Le capitaine sauuage. © Bnf, Paris

Ressemblant fortement aux images des Irlandais et Irlandaises, qui pendant toute l’époque médiévale portaient des vêtements similaires, ‘la Sauvage’ écossaise de Deserps est une femme vêtue d’un manteau en peaux de mouton.

La version masculin est présentée comme capitaine sauvage. Commandant militaire, c’est un homme barbu aux cheveux longs. Sous son bras droit, il porte un arc et des flèches (et non pas une cornemuse). Sont visibles également une sacoche – une pochette en fourrure, appelée aujourd’hui sporran et portée au devant du kilt – et un fourreau d’une large lame d’épée du style irlandais. En dessus des bottes hautes et évasées, ses jambes semblent nues, et une sorte de short est à peine visible. La large cape à chevrons du Highlander est bordée de franges. Sur la tête, il porte un casque en fer orné d’un globe ou d’un anneau, surmonté de ce qui semblent être des plumes. L’image correspond aux descriptions des archers écossais dans les sources françaises depuis le XVe siècle. On est très loin de la représentation des combattants écossais dans les films américains, qui ne montrent jamais d’archers, mais des sauvages en kilt, agitant des épées énormes.

Que portait Marie de Lorraine pour son mariage écossais en 1538? Aucune représentation visuelle de l’événement nous est parvenue. Peut-être ressemblait-elle à L’épousée de France de François Deserps. En revanche, il faudrait oublier les beaux cheveux ondulés de la jeune fille, car à vingt-deux ans, Marie de Lorraine était déjà veuve, et mère d’un petit garçon resté en France. Une peinture du couple royal écossais montre peut-être la robe de mariée de Marie de Lorraine, ou celle de son couronnement en 1540.

F. Deserps, L'Epousée de France. © Bnf, Paris

F. Deserps, L’Epousée de France. © Bnf, Paris

11 Commentaires

  1. The man in the tartan pantaloons must be a joke!! (or is he??)

  2. Methinks not. It’s a serious Renaissance tourism book. The picture is probably historically correct, as many Scots lived at the French Court at that time (around 1560). Deserps might have seen these woolen trousers worn. The title claims it anyway: « Ie tout fait apres le naturel » (« I made all from life »). He definitively wrote one of the earliest – if not the earliest – illustrated travel guides.

  3. This is fascinating!Thank you! I’ve been trying to find out what the Scots Guards wore and came across some pix on Google with red, green & white uniforms. I haven’t seen these pix before – may work them into part 2 of my trilogy when Marie de Guise returns to France to see Mary.

  4. Remember there was no uniform in these days (save religious orders and special events). The picture you’ve seen dates probably from the 17th or 18th century. In the 16th century, habit reflects social status and financial power, not uniformity. Looking forward to John Knox part 2 🙂

  5. That’s what I thought too – no uniform – until I came across this ‘Garde ecossaise du roi de France L’adoration de mages 1445’ I’ll give you the link since I can’t add the pic: http://www.google.co.uk/imgres?imgrefurl=http%3A%2F%2Fwww.barnet.be%2Fdocuments%2FContenu%2FCeltie%2FEcosse%2FEcosse_H.html&tbnid=FUpU7dEdU13C5M:&docid=Mkn249odWnBFxM&h=389&w=285

    1. Whilst there wasn’t a uniform exactly, those who held employed positions at court – a specific office such as usher or herald or guard – would usually wear livery. Livery was similar to a uniform in that it was clothing in specific colour with a house badge or coat of arms or cipher (initials), that made such people easy to identify and recognise their occupation. Such evidence of specific clothing for these positions exists in the Treasurer’s Accounts.
      However, anyone holding greater office – clerks, gentlemen of the bedchamber, master of the household, ladies in waiting – would wear clothing appropriate to their station. There were specific laws which dictated colours, types of fur, quality and types of fabric, quantity of fabric etc depending on your status, but again those of higher rank would wear fashion influenced by the King and Queen.
      The wearing of the kilt is not something you would have seen at a heavily European styled court, where the primary influences were coming from France and Italy during this Renaissance period.
      There is however, a refence in accounts of the time, describing James V as having a suit of tartan made for himself, probably as something of a novelty or costume to be used in masque.

      1. Thank you for these additional and interesting informations.

  6. You are right. The Royal Guard (or Scottish Guard) was created by Charles VII around 1430. The manuscript, the « Hours of Étienne Chevalier » illuminated by Jean Fouquet in 1464, shows the twenty-five « Archers du corps » of the French king : http://expositions.bnf.fr/fouquet/enimages/chevalier/f068.htm However, I don’t think there are pictures of Francis I’s or Henry II’s Scottish archers. Contemporary descriptions tell us that they wore a white tunic with an embroidered silver crown. That’s what I called a bit clumsily ‘special event’.

  7. P.S. A very good article about the history of the Scottish Guard by André Pagès, « Le Lys et le Chardon : Les Écossais de la Maison du Roi » can be found here :
    http://cour-de-france.fr/article674.html

  8. […] Fashion écossaise au XIVe siècle – seigneurs et sauvages […]

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