Antoine, duc de Lorraine, l’oncle de Marie de Guise

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Hugues de La Faye (attr.), Antoine, duc de Lorraine et de Bar © Musée Barrois

La barbe blonde superbement taillée, le visage encadré d’une fine chemise brodée et de riche fourrure de martre, ce prince est Antoine, duc de Lorraine et de Bar (1489 – 1544) ou Herzog Anton der Gute von Lothringen en allemand. Antoine est le fils aîné de René II de Lorraine et de Philippe de Gueldre. Ce beau portrait a probablement été exécuté par Hugues de la Faye, l’auteur du décor prestigieux de la Galerie des Cerfs du palais ducal de Nancy, peint entre 1524 et 1529 (détruit). Le portrait de son commanditaire se trouve au Musée Barrois à Bar-le-Duc, à l’emplacement même de l’ancien château des ducs de Bar. Antoine est représenté à l’âge de quarante ans environ; il paraît bien plus. Devenu duc de Lorraine à la mort de son père René en décembre 1508, Antoine est le chef de la famille de Lorraine jusqu’à sa mort en juin 1544.

Le duc Antoine accompagne l’armée de François Ier en Italie, où il est décoré par le roi de France à la suite de la bataille de Marignan en septembre 1515. Mais pendant que son frère cadet Claude, naturalisé français en 1506 afin d’hériter les possessions lorraines situés en France, se rapproche davantage de François Ier, Antoine est le souverain d’une duché indépendante, située entre la France et le Saint Empire Germanique. Rentré en Lorraine, se souvenant des liens étroits que son duché a toujours maintenu avec l’Empire germanique, Antoine laisse de plus en plus à la branche cadette de la maison de Lorraine, le soin de s’occuper de la France. Claude de Lorraine s’en est d’ailleurs plutôt bien sorti, car en 1527, François Ier élève le comté de Guise en duché, et Claude devient duc de Guise et pair de France.

Mais quand la Lorraine est en danger, les deux frères s’unissent pour la protéger. Depuis le début du 16e siècle, cette terre doublement frontalière était en proie aux tensions religieuses venues du Saint Empire tout proche, à quelques kilomètres seulement du château de Joinville où s’était installé en 1520 Claude avec sa famille. Les idées de Luther et d’autres réformateurs s’épandent dans toute l’Europe, touchant non seulement les cercles de la noblesse et des gens de lettres, mais aussi des gens simples et des paysans. Une guerre contre ces révoltés venus de l’Est – un mouvement populaire qui annonce les guerres de religion et la mise en question de l’autorité princière – est menée par le duc Antoine et son frère Claude. Appelée « guerre des Rustauds », cette campagne militaire se solde par la bataille de Saverne en mai 1525.

Des milliers de paysans s’étaient amassés dans et aux alentours de Saverne, Zabern en allemand, à environ 50 km de Strasbourg, la capitale de l’évêché. Depuis longtemps, Saverne était la résidence de son évêque, et ce dernier se montrait très inquiet. Le duc Antoine, soutenu par son frère, attaque d’abord les troupes campés aux environs et bat ces civils certes armés, mais mal préparés à affronter une armée de soldats de métier. La suite de cette bataille est vécue par beaucoup comme un massacre lâche et barbare. Des rumeurs circulent: le duc Antoine avait promis à ses ennemis de les épargner s’ils se rendaient sans armes. Mais une fois sortis de la protection de la ville fortifiée, les soldats et les lansquenets du duc Antoine et de son frère massacrent les civils. Cette épisode, selon le parti auquel on accorde sa confiance, était soit une sombre trahison, soit la punition nécessaire d’une horde d’hérétiques. L’extrême brutalité des deux frères était peut-être motivée par l’exhortation de leur mère Philippe de Gueldre, fervente catholique, d’exterminer les mécréants. Cette motivation religieuse semble possible pour Claude, le fils préféré de sa redoutable mère. Les bas-reliefs de son sarcophage le montrent en guerrier au centre de scènes de bataille qui font peut-être allusion à l’épisode de Saverne. Ces plaques en albâtre seraient alors des mises en scène du défenseur de la vraie foi catholique. Mais peut-être ces scènes représentent-elles les exploits militaires de Claude de Lorraine en Italie au service du roi de France, qui lui ont permis de devenir duc de Guise et pair de France? En ce qui concerne son frère aîné Antoine, duc de Lorraine, la question d’une guerre de religion avant l’heure reste posée.

Qui était le duc Antoine, l’oncle de Marie, chef de la famille de Lorraine, censé d’avoir retiré sa jeune nièce du couvent de Pont-à-Mousson afin de l’accueillir dans ses palais de Nancy pour la préparer à la cour de France? L’apparence du duc est changeante. Sur un portrait tardif, aujourd’hui à la Gemäldegalerie de Berlin et peint par Hans Holbein le Jeune, Antoine est passé de la blondeur du tableau de Hugues la Faye à un brun grisonnant.

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Holbein le Jeune, Antoine de Lorraine (Herzog Anton der Gute von Lothringen), vers 1543 © Gemäldegalerie Berlin

Sur le tableau de Hans Holbein, l’âge du modèle est indiqué : 54 ans. Dans les années 1540, Holbein travaillait désormais à la cour d’Henri VIII d’Angleterre. Peut-être n’avait-il à sa disposition que des dessins pour peindre le portrait du duc de Lorraine, ce qui expliquerait le changement de couleur de ses cheveux. Antoine était alors veuf depuis peu. Il avait épousé en 1515 Renée de Bourbon-Montpensier, morte brutalement le 26 mai 1539. Trois enfants du couple atteindront l’âge adulte, dont l’aîné, François.

Le 26 août 1542, à l’occasion de la diète (Reichstag) à Nuremberg, un traité entre l’empereur Ferdinand de Habsbourg et Antoine de Lorraine est validé par les États de l’Empire (Reichsstände), donnant plus d’autonomie au duché de Lorraine. Après une première partie de sa vie au service de la France, puis une deuxième orientée vers le Saint Empire, Antoine réussit l’équilibre, et une plus grande indépendance de la Lorraine.

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